EXCLUSIF. Le pôle « Stromalab » naîtra en janvier 2011 annonce Philippe Bourin, de l’Etablissement français du sang. Médecine régénératrice, greffe d’organes, thérapie génique… s’intéressent de près aux cellules souches mésenchymateuses.
On entend beaucoup parler de cellules souches. Que sont les cellules souches dites « mésenchymateuses », au sujet desquelles Toulouse a accueilli le premier congrès européen du 18 au 20 novembre ?
Ce sont des cellules souches adultes (pas embryonnaires, donc). On les trouve essentiellement dans la moelle osseuse. Et comme l’indique leur nom un peu barbare, elles donnent naissance aux cellules du mésenchyme : les tissus de soutien et de l’appareil locomoteur comme les os, le cartilage, les muscles, etc.
Découvertes dans les années 60, elles ne sont vraiment étudiées que depuis une quinzaine d’années. Ces recherches ont mis en évidence de très nombreuses propriétés intéressantes pour la médecine.
Quelles sont leurs propriétés ?
Grâce à leur action sur le système immunitaire, elles devraient aider à éviter certains effets indésirables des greffes de moelle osseuse, et leurs propriétés anti-inflammatoires pourraient soulager les malades atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou de polyarthrite rhumatoïde.
En thérapie génique, elles pourraient aussi servir comme « usine à fabriquer des biomolécules » après l’insertion d’un gène spécifique.
Et dans le cadre de la médecine régénératrice, qui consiste à réparer des tissus lésés, les cellules souches mésenchymateuses (CSM) seront impliquées dans la réparation d’os, de cartilage, de muscle, notamment cardiaque, de vaisseaux sanguins. Deux essais cliniques sont d’ailleurs en cours à l’hôpital Rangueil, à Toulouse.
Sur quoi portent ces deux essais cliniques toulousains ?
Dans les deux cas, on fait appel aux propriétés angiogéniques des CSM : c’est leur capacité à fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins. Le premier de ces essais, baptisé ACellDREAM, concerne des malades, souvent diabétiques, dont les artères des membres inférieurs sont bouchées, d’où le risque d’amputation.
Les cellules souches que nous leur injectons en intramusculaire tout au long de la jambe ont pour but de faire repousser des vaisseaux sanguins pour réoxygéner les tissus.
Quant au second essai, intitulé MESAMI, il consiste à injecter des CSM directement dans le cœur de personnes souffrant d’insuffisance cardiaque suite à un infarctus et à revasculariser également les parties lésées.
À quelle échéance les malades devraient-ils pouvoir bénéficier des résultats de vos recherches ?
Pas avant 5 à 10 ans. Ces deux essais ne se trouvent qu’en phase I* et nous devons encore inclure quelques patients sur la dizaine prévue. À l’échelle internationale, plus de 80 essais cliniques testant des CSM sont en cours. Mais jusqu’ici, aucune autorisation de mise sur le marché n’a encore été délivrée.
Ces essais illustrent-ils la compétence de Toulouse dans le domaine des cellules souches mésenchymateuses ?
En effet. Mais Toulouse est surtout connue de nos confrères grâce aux travaux de l’équipe de Louis Casteilla (CNRS-UPS UMR 5241). En 2004, ils ont mis en évidence des cellules souches mésenchymateuses dans le tissu adipeux (constitué de cellules graisseuses), capables elles aussi de générer la formation de vaisseaux sanguins. Ce sont celles que nous utilisons dans l’essai ACellDREAM. Cette découverte originale est reconnue au niveau international.
Elle nous permet de créer Stromalab, un pôle d’excellence dédié aux CSM et à leurs cousines du tissu adipeux. Il verra le jour le 1er janvier 2011.
Dirigé par Louis Casteilla, il sera placé sous la quadruple tutelle du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Paul-Sabatier et de l’Établissement français du sang et sera dans un premier temps hébergé par l’hôpital et la faculté de médecine de Rangueil.
Quelles seront les activités de ce nouveau pôle d’excellence Stromalab ?
Il réunira 20 à 30 personnes représentant l’ensemble des acteurs de la filière à Toulouse, depuis la recherche fondamentale jusqu’à l’ingénierie cellulaire, c’est-à-dire la production de cellules à grande échelle. Nous comptons aussi établir des partenariats avec les start-ups locales et d’ici 4 ans, nous espérons doubler nos effectifs en accueillant deux nouvelles équipes.