Christian Buil, ingénieur à Toulouse, est un astronome amateur très courtisé par les professionnels. En effet, il est un des rares en France à maîtriser une méthode d’analyse particulière : la spectrographie.
Elle consiste à décomposer la lumière des objets célestes observés (étoiles ou planètes par exemple) pour en tirer des informations : vitesse de déplacement, composition chimique, température…
La lumière captée par le télescope est analysée par un instrument, le spectrographe, qui sépare les différentes longueurs d’ondes de la lumière en « raies », à l’image de l’arc-en-ciel où les couleurs du « spectre » sont séparées.
Si une des raies manque, ou est déplacée, c’est qu’il se passe quelque chose sur l’étoile observée : une explosion ou une éclipse par exemple. « Cela peut paraître austère a priori, car on ne fait pas de belles images, explique Chritian Buil. Mais c’est passionnant ! ».
Son actuel défi : percer le mystère d’Epsilon Aurigae, une étoile qui connaît une interminable éclipse de près de deux ans, sans qu’on sache exactement quel est l’objet qui la masque à notre vue – « peut-être une petite étoile entourée d’un nuage de gaz », mais le suspense reste de mise.
Fascinantes exoplanètes
A son tableau de chasse figurent surtout des objets très convoités des astronomes : les exoplanètes, c’est à dire les planètes tournant autour d’autres étoiles que le Soleil. La première jamais détectée, nommée 51 Pegasi b, a été découverte en 1995 à l’Observatoire de Haute-Provence par les suisses Michel Mayor et Didier Queloz, qui ont utilisé un spectrographe de professionnels. Car une exoplanète, en tournant autour de son étoile, a pour effet d’en décaler le spectre.
Christian Buil et ses collègues amateurs ont a quant à eux réussi à détecter 51 Pegasi b cet été avec du matériel du commerce. « Un beau succès car nous avons poussé notre spectrographe au maximum de ses capacités. Nous l’avons installé au télescope T60 du pic du Midi (1), accessible aux amateurs, mais aussi sur mon propre télescope, dans mon jardin à Castanet ».
Etonnant ? Pas vraiment. En effet, contrairement à l’astronomie classique qui vise à obtenir des images très précises, la « spectro » n’est que peu sensible à la « pollution lumineuse » et s’accommode du halo orangé de l’agglomération toulousaine.
Des collaborations avec les « pros »
« Les amateurs pratiquant la ’spectro ’ sont une cinquantaine en France », précise Christian Buil. Et leurs observations sont loin d’être méprisées par les astronomes professionnels.
« Nous avons lancé des collaborations avec des astronomes de l’observatoire du Mont-Wilson, en Californie, qui étudient les éruptions qui se produisent à la surface de certaines étoiles. Nous, avec nos spectrographes, nous regardons ce qui se passe à la périphérie de ces mêmes étoiles, comme par exemple des jets de matière dégagés par ces éruptions. Nos données sont complémentaires » souligne Christian Buil.
C’est tout bénéfice pour les professionnels, qui disposent d’un temps limité sur les grands télescopes pour faire ce genre de mesures. Alors que les amateurs comme Christian Buil peuvent observer très souvent… même depuis leur jardin !