REDIFFUSION DU 1ER FEVRIER 2010 « Je devais présenter le lendemain une demande de financement pour une expédition en Amazonie. J’ai répété ma présentation dans le camion entre l’Autriche et la France. Nous rentrions épuisés d’une tournée européenne où nous avions joué dans sept pays en sept jours. Mon oral a été lamentable, mais le projet était scientifiquement solide et il a été retenu ».
Pierre-Olivier Antoine, 37 ans, mène une double vie. La nuit, il est batteur dans des groupes de punk-rock au nom improbable, OpeNightmare et Ivan Rebroff’s armpits (1), influencés par la tendance la plus violente de ce genre musical, « un exutoire à mon hyperactivité ».
Le jour, ce jeune homme pacifique est paléontologue, chercheur au Laboratoire des mécanismes de transfert en géologie (LMTG), qui dépend de l’observatoire Midi-Pyrénées. Il étudie les fossiles en tant qu’outils de datation et d’information sur les écosystèmes disparus.
Sa spécialité : les grands mammifères de la préhistoire, notamment les rhinocéros. « Ces animaux sont passionnants, car on sait comment ils évoluent dans le temps, et on retrouve leurs fossiles partout dans le monde. On peut donc, par corrélation, quand on découvre des fossiles de « rhinos » dans un endroit donné, déduire l’époque à laquelle ces animaux vivaient et parfois même dans quel environnement ils évoluaient. On a pu établir, en découvrant les mêmes fossiles de rhinos en Afrique, en Asie du sud et en Europe, que ces trois régions formaient une même province il y a moins de 20 millions d’années. »
Deux à trois mois par an sur le terrain
Le chasseur de rhinos fossiles est plutôt difficile à attraper. Il rentre à peine d’une mission de prospection au Pakistan, dans un secteur plutôt calme. En effet, le contexte politique l’empêche désormais de fouiller au Balouchistan, une région du Pakistan à haut risque où il a prospecté entre 1997 et 2004, protégé par les chefs des tribus locales. Là, son équipe a redécouvert en 1999 un rhinocéros géant, le balouchithérium : 10m de long, 5m au garrot, 15 à 20 tonnes !
Parmi ses autres destinations régulières, la Turquie, avec d’autres restes de balouchithérium, et l’ Amazonie péruvienne, où l’équipe dont il faisait partie a découvert dans des sédiments des blocs d’ambre renfermant les premiers fossiles d’insectes amazoniens connus, et les restes d’un crocodile géant, Purussaurus. En moyenne, il passe deux à trois mois par an sur le terrain, ce qui n’est pas pour lui déplaire. « L’aventure, c’est un des délices de ce métier. C’est le jeu de l’exploration, la joie de la découverte ».
Et en dehors des missions ? « On dépouille les résultats : pour l’Amazonie, on a trié pendant deux mois des sédiments, 10g par 10g, en les observant à la loupe binoculaire pour y détecter de minuscules vestiges, fragments d’os, restes de végétaux. C’est fastidieux, mais c’est une vraie chasse au trésor ». Ensuite, les fossiles sont expertisés par ses confrères français et étrangers, avec lesquels il publie les résultats dans les revues scientifiques. Car sur le terrain ou au labo, la recherche est avant tout un travail d’équipe, insiste-t-il, en prenant soin de citer ses collègues.
Transmettre la science et la musique
Le reste du temps, Pierre-Olivier Antoine, enseignant-chercheur, assure des cours en licence et mastère. Et consacre quelques jours par an à une activité de diffusion des savoirs : conférences, intervention dans des débats « sciences et citoyens », interviews… Il s’implique dans l’association Les étoiles brillent pour tous (2), qui diffuse les sciences dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les prisons… « J’ai fait l’an dernier une conférence à la prison de Seysses. Les détenus ont été très surpris quand je leur ai montré un crâne de Rhinocéros qui été trouvé à Moissac, tout près de Toulouse, parce qu’il y avait là, dans la préhistoire, une faune similaire à celle de l’Afrique et de l’Asie. En montrant, en étant concret, on peut faire passer des notions pour lesquelles il y a parfois une certaine hostilité, comme la théorie de l’évolution par exemple ».
Ses projets ? « Je souhaite continuer à travailler en Amazonie où les fossiles vont nous aider à déterminer quand et comment l’écosystème amazonien a émergé. Mais mon prochain objectif, c’est l’Afrique. Il y a là les fossiles très bien conservés et datés de nombreuses espèces de rhinocéros. Or, du point de vue de l’évolution, on ne comprend un groupe animal que si on en connaît parfaitement toutes les espèces ». Mais dans un futur plus proche, Open Nightmare joue en juin au Canada, « entre la deuxième session des examens universitaires et une mission de fouilles en Turquie ». Pierre-Olivier Antoine, on the road again !