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Obésité et diabète : la flore intestinale plaide coupable

Certaines bactéries de l’intestin déclenchent des maladies métaboliques. L’équipe toulousaine de l’Inserm qui a découvert le phénomène étudie aujourd’hui des moyens de prévention originaux, à base de compléments alimentaires.
L’institut toulousain I2MR a mis en évidence un mécanisme inattendu dans le diabète : la translocation bactérienne. Les bactéries E. coli (en vert fluo, indiquées par des flèches) présentes dans l’intestin d’une souris diabétique sont phagocytées par des macrophages (en rouge) qui vont les transporter dans d’autres tissus de l’organisme. Crédit : Chantal Chabo/Inserm

Et si la cause principale de la survenue du diabète gras et de l’obésité résidait dans notre flore intestinale ? Et si, donc, la simple prise de compléments alimentaires agissant sur cette flore pouvait limiter l’émergence de ces maladies métaboliques ? C’est l’hypothèse originale avancée par les équipes du Professeur Rémy Burcelin, directeur de recherche à l’Inserm, au département Métabolisme et Obésité de l’I2MR (Institut de médecine moléculaire de Rangueil, Inserm/Université Paul Sabatier Toulouse III) et du Professeur Jacques Amar, du département de médecine thérapeutique de l’hôpital Rangueil.

L’idée a germé il y a un peu plus de cinq ans, quand l’équipe s’est aperçue que la flore intestinale de souris souffrant de maladies métaboliques était différente de celle de souris saines et que cette nouvelle population bactérienne était à l’origine de l’inflammation intestinale caractéristique du diabète gras. Parus en 2007 (1), ces résultats avaient fait beaucoup de bruit parmi les spécialistes.

Bactéries voyageuses

Depuis, l’équipe a fait une nouvelle découverte inattendue : chez les sujets diabétiques, certaines bactéries de la flore intestinale se retrouvent également dans des tissus périphériques, et notamment dans les cellules des tissus graisseux. Comment voyagent-elles jusque-là ? « Certainement pas en nageant, ironise le chercheur. En réalité, nous avons mis en évidence un phénomène jusqu’ici insoupçonné dans le cas des maladies métaboliques : la translocation bactérienne. »

Chez les souris diabétiques, les bactéries de la flore intestinale déclenchent une réaction immunitaire. Les macrophages ainsi produits « avalent » ces bactéries et les acheminent vers différents tissus, comme les tissus graisseux, et poussent ainsi les cellules graisseuses à se multiplier… d’où l’apparition de l’obésité.

Des compléments alimentaires préventifs bientôt sur le marché ?

L’étude de ce mécanisme a conduit les équipes de Rémy Burcelin et de Jacques Amar à identifier un biomarqueur tout juste breveté, dont l’avenir semble prometteur : il aiderait à prédire le risque de développer ou non un diabète gras dans les trois à dix années à venir. Une start-up chargée de mettre à profit ces recherches devrait voir le jour d’ici la fin 2010.

« Identifiées précocement, les personnes prédisposées au diabète gras du fait de leur flore intestinale pourront ainsi être pris en charge dès le stade de prédiabète, ou même plus tôt, par des règles d’hygiène et de nutrition relativement simples, ce qui devrait permettre de limiter significativement l’apparition de la maladie », explique Rémy Burcelin. La start-up proposera d’ailleurs une solution à ces personnes sous la forme de compléments alimentaires contenant des antigènes bactériens.

« Grâce à cette solution nutraceutique, les patients produiront leurs propres défenses immunitaires contre les bactéries responsables des maladies métaboliques, et ce à un stade très précoce, souligne le chercheur. En orientant la nature de leur flore intestinale, nous ne les immuniserons pas contre ces maladies, mais nous limiterons efficacement l’impact du régime malbouffe ! ».

Une recherche dans l’air du temps : d’ici fin février, la lutte contre l’obésité pourrait être déclarée « grande cause nationale » pour 2010.

Anne Lesterlin, pour KwantiK !

(1) « Metabolic endotoxemia initiates obesity and insulin resistance. » dans la revue Diabetes