Jean-Pierre Jessel dirige l’équipe “Vortex” à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT), qui se consacre à l’amélioration des jeux vidéos et à leurs applications professionnelles.
En quoi consistent vos travaux dans le domaine du jeu vidéo ?
Nous cherchons à rendre plus réaliste le comportement des créatures des mondes virtuels grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. Nous travaillons aussi sur la 3D, qui a fait des progrès spectaculaires en dix ans. Mais il demeure des objets très difficiles à représenter, en particulier quand il sont animés en temps réel. C’est le cas par exemple des plantes.
Dans le domaine des « jeux sérieux », nous travaillons sur la scénarisation. Il s’agit de décrire l’ensemble des actions d’un joueur et ses interactions possibles avec les autres personnages et l’environnement du jeu, tout au long de son parcours. Quant à la “réalité augmentée”, l’une des difficultés que nous rencontrons est de déterminer en temps-réel la position des objets sur lesquels on veut intégrer et associer des images.
Réalité virtuelle, augmentée, « jeux sérieux » ou « serious games »… De quoi parle t-on ?
La réalité virtuelle, c’est une expérience interactive où l’utilisateur perçoit des objets et des phénomènes simulés et peut interagir avec comme s’ils étaient réels. La réalité augmentée est un système dans lequel des objets virtuels coexistent, à l’écran, avec des images du monde réel. Quant aux “serious games”, ou “jeux sérieux”, il s’agit d’utiliser les techniques des jeux vidéos pour transmettre un contenu pédagogique (éducation, formation) ou informatif (publicité, politique, …)
Êtes-vous sollicités sur des projets publics ou privés ?
Nous constatons une demande et un développement important des applications innovantes du jeu vidéo dans la région Midi-Pyrénées. Et nous sommes dans ce contexte de plus en plus sollicités. Je citerai d’abord le travail effectué par Damien Djaouti au sein de la société toulousaine Oktal, dans le cadre de sa thèse sous convention CIFRE. Cette société est bien connue pour ses simulateurs 3D dédiés aux filières du transport.
Notre étudiant se base sur la plateforme technologique de l’entreprise pour développer une formation, sous forme de jeu, à une conduite plus économe en carburant donc moins polluante. Damien Djaouti travaille aussi pour la mairie de Blagnac et la société d’économie mixte qui gère le quartier “Andromède”. Il développe des jeux “de rôle” qui ont pour objectif de sensibiliser aux enjeux écologiques de cet éco-quartier très novateur.
Il y a un autre projet avec le Muséum de Toulouse, qui veut tirer profit des dernières avancées de l’imagerie 3D et de la réalité augmentée pour donner à voir par exemple des pièces qui ne sont pas exposées, ou des espaces non accessibles. Nous travaillons également avec Airbus, ainsi que ses prestataires, qui développent des jeux destinés à la formation des opérateurs de maintenance des compagnies aériennes. Nous sommes enfin impliqués dans le projet “Mecagenius” de formation au montage de pièces mécaniques dans l’aéronautique. (*)
Vos recherches ont-elles été valorisées dans le monde économique ?
Dans la 3D, l’une de nos plus belles réussites est la start-up FittingBox, qui propose un outil d’essayage de lunettes sur Internet. Nous avions également été présents au démarrage d’Onesia, qui proposait une plateforme de production 3D temps-réel mais qui a malheureusement cessé son activité. Citons également Instinct Maker, créée par deux anciens de l’IRIT, dans le domaine des mondes virtuels.
Plus généralement, les interactions entre la recherche et l’industrie du jeu vidéo, ainsi que celle du cinéma, vont croissant. L’IRIT s’est bien positionné dans ce contexte.
Propos recueillis par Frédéric Dessort, pour KwantiK !
(*) Mécagénius est un projet retenu dans le cadre du grand appel à projets de jeux sérieux lancé en 2009 par la secrétaire d’Etat à l’économie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet. L’IRIT est également associé au projet “Gambits” de jeu sérieux destiné à la formation dans le domaine de la sécurité maritime.