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« Hubble offre des images inégalées des galaxies lointaines »

Le télescope spatial Hubble fête les 20 ans de son lancement. Roser Pelló, astronome au laboratoire d’astrophysique de l’Observatoire Midi-Pyrénées, explique en quoi cet outil scientifique a révolutionné l’astronomie grâce à sa position privilégiée en orbite à 600 kilomètres de la Terre.

Quel est l’objet de votre recherche au sein de l’Observatoire Midi-Pyrénées ?

Je suis responsable d’une équipe qui travaille sur la physique des galaxies. Dans l’un de nos projets actuels qui fait l’objet d’une collaboration internationale, nous nous intéressons à la formation et l’évolution des galaxies distantes, les premières à s’être formées.

Comment Hubble vous aide-t-il dans vos recherches ?

Pour découvrir ces objets très lointains, nous utilisons une « lentille gravitationnelle » : plutôt que d’observer n’importe où, nous utilisons des amas de galaxies plus proches, qui vont nous servir de loupe. Car ces amas, qui déforment fortement l’espace-temps, ont pour effet de multiplier et concentrer les rayons lumineux provenant des galaxies distantes, produisant donc des images plus brillantes.

Hubble nous permet de repérer facilement ces loupes gravitationnelles, et d’obtenir des images inégalées des objets en arrière-plan, ces galaxies lointaines qui nous intéressent.

En quoi Hubble est-il plus efficace qu’un télescope terrestre ?

Hubble a un double intérêt. Tout d’abord, la qualité optique dans l’espace est dix fois meilleure qu’au sol, car l’atmosphère dégrade fortement l’image. Cette puissance de résolution permet de voir avec plus de précision et plus loin.

Par ailleurs, l’atmosphère ne laisse passer que certaines « fenêtres » du spectre électromagnétique et absorbe les autres. Dans l’infrarouge proche, par exemple, le fond de ciel est très brillant car l’atmosphère terrestre est elle-même émettrice, ce qui est une gêne. Dans l’espace, au contraire, l’accès à des longueurs d’onde n’est plus limité.

Le télescope spatial a-t-il un inconvénient ?

Oui. Les images ne concernent que de tout petits champs de vue – quelques fractions de degré d’angle – alors que les télescopes terrestres permettent de couvrir quatre à dix fois plus d’espace d’un seul coup. On ne peut pas utiliser Hubble pour faire des campagnes d’observation de grandes surfaces dans le ciel.

C’est pourquoi on va plutôt privilégier des observations très profondes sur un très petit champ de vue. Dans notre projet, nous combinons donc des observations de Hubble et de télescopes terrestres.

Est-il facile d’obtenir du temps d’observation sur Hubble ?

C’est une compétition mondiale. Des appels d’offre sont lancés et il faut soumettre son projet scientifique à un comité. Il y a dix fois plus de demandes que de temps disponible !

Pour avoir plus de poids et donc plus de chance d’être choisi, il vaut mieux s’associer entre chercheurs de plusieurs instituts et constituer un consortium international, comme nous l’avons fait pour notre projet de recherche d’objets distants. Nous avons obtenu du temps d’observation de 2009 à 2011.

En 2014, Hubble devrait être remplacé par le télescope spatial James Webb. Vous comptez travailler avec ce dernier ?

Bien sûr ; mais ce qui est inquiétant, c’est que ce nouveau télescope est optimisé pour observer dans l’infrarouge. Il ne permet pas d’observer le spectre lumineux dans l’ultraviolet et en lumière visible dans le bleu.

Or, même si les galaxies distantes doivent être surtout cherchées dans l’infrarouge, on doit étudier les galaxies proches – qui émettent dans l’ultraviolet. Car celles-ci nous permettent de comprendre les résultats qu’on obtiendra dans l’infrarouge pour les galaxies lointaines. Allons-nous pouvoir continuer nos travaux ?