Bisons, aurochs, cerfs, ours, mains humaines… Voici ce qui passionne les 363 chercheurs de 43 pays qui se sont réunis au Parc de la préhistoire de Tarascon-sur-Ariège du 6 au 11 septembre pour le congrès mondial de l’IFRAO (Fédération internationale des organisations d’étude de l’art rupestre).
Leur spécialité : les traces laissées sur les parois des grottes par les hommes préhistoriques, durant le Pléistocène. « C’est la période qui précède la fin de la dernière glaciation, il y a 11000 ans, et remonte jusqu’à -40000 ans environ. A cette dernière époque, l’homo sapiens est arrivé en Europe et a commencé à dessiner sur les parois des grottes » explique Jean Clottes.
Le célèbre préhistorien installé dans l’Ariège est l’organisateur de ce congrès, où les spécialistes ont présenté le fruit de leurs dernières recherches, dont une découverte remarquable : « le chercheur belge Dirk Huyghe a observé en Haute-Égypte, non loin du Nil, des gravures tout à fait de style paléolithique, typiques de la fin du Magdalénien en Europe, c’est-à-dire -13000 ans. Or, la datation de ces gravures a donné -16000 ans. Il est donc possible qu’il y ait eu des contacts entre les populations, de l’est vers l’ouest, c’est-à-dire que cet art se serait diffusé de l’Égypte vers l’Europe. C’est quelque chose qu’on n’aurait jamais imaginé ».
De nouvelles grottes ornées ont aussi été découvertes et présentées lors du congrès.
Mais pourquoi ces peintures ? Que signifient-elles ? Plusieurs hypothèses ont eu cours. La première, celle que les hommes préhistoriques auraient fait de l’art pour l’art, a été abandonnée il y a cent ans. Ensuite, jusqu’aux années 1970, on a pensé à une magie de la chasse, avec des cérémonies qui avaient pour but d’envoûter les animaux. Des préhistoriens comme le célèbre André Leroi-Gourhan ont aussi avancé un système de mythes basés sur les différences entre les sexes chez les animaux représentés.
L’hypothèse du chamanisme
« Mais pourquoi aller peindre au fond des grottes ? Dans les plus connues, comme Niaux, Chauvet ou Cosquer, on n’ a pas trouvé de reliefs de repas comme à d’autres endroits, souligne Jean Clottes. Elles ne servaient donc pas d’habitat. Leur fonction est sans doute cultuelle, et mon hypothèse est celle d’une culture chamanique. Les chamanes jouent le rôle d’intermédiaire entre les vivants et les morts. » Une hypothèse loin d’avoir fait l’unanimité chez les scientifiques dans son domaine, mais qu’il déduit logiquement d’un certain nombre de constatations.
« Par exemple, si l’on observe les grottes, on constate que les hommes préhistoriques n’ont pas peint n’importe où mais à des endroits choisis, sur des contours, dans des failles, comme s’ils s’adressaient aux parois qui étaient peut-être la résidence d’esprits surnaturels. C’est une démarche typiquement chamanique ». Mais, prévient le préhistorien, « dans notre discipline, on n’a ni témoignage écrit ni oral. On peut dater les grottes avec précision, mais pour le reste, on ne peut faire que des hypothèses ».
Infatigable et passionné à 77 ans, Jean Clottes continue à fouiller des grottes et s’attelle à la tâche de la publication des actes du congrès. Il publie deux ouvrages imposants en librairie : une monographie de la grotte de Niaux « accessible au grand public » (1) et un ouvrage collectif qu’il a dirigé sur la préhistoire en France, des origines jusqu’aux Romains (2). Quant au prochain congrès de l’IFRAO, il se tiendra dans deux ans… en Bolivie !
Jean-François Haït, pour KwantiK !
(1) Les cavernes de Niaux (Éditions Errances)
(2)La France préhistorique, essai d’une histoire. Sous la direction de Jean Clottes. Éditions Gallimard.
Des grottes à visiter en Midi-Pyrénées
Sur le plan de l’art rupestre, la région Midi-Pyrénées est bien dotée. Plusieurs grottes sont ouvertes au public, comme Niaux (Ariège), à proximité du Parc de la préhistoire (renseignements sur le site), qui présente un important bestiaire de 111 animaux peints (bison, cheval, auroch, bouquetin) et remonte au Magdalénien (-17000 à -12000), Gargas (Hautes-Pyrénées) qui détient le record d’Europe du nombre de mains « en négatif » (comme au pochoir), et dont un bout d’os retrouvé sur le site la fait remonter à -26000 ans (Gravétien) ; ou encore Pech-Merle (Lot), occupée sur une longue période, qui présente notamment un homme percé de flèches.