Le projet toulousain NEXT, labellisé Laboratoire d’excellence en 2011, lance ses premiers appels d’offre. Clément Sire, directeur du Laboratoire de physique théorique (LPT), en explique les enjeux.
Dans le cadre du dispositif gouvernemental des Investissements d’avenir, Toulouse s’est vu attribuer un « Laboratoire d’excellence » pour le projet NEXT. De quoi s’agit-il ?
NEXT signifie « Nano, mesures EXtrêmes & Théorie ». Ce regroupement de six laboratoires toulousains permettra une approche complète des nanomatériaux : leur élaboration par des méthodes physiques et chimiques, l’étude de leurs propriétés, et jusqu’à leur intégration dans des prototypes pour les tester. Dans une approche plus théorique, mais liée, nous étudierons les propriétés de la matière à l’échelle quantique, c’est-à-dire celle des atomes et des molécules, dont le comportement n’a plus rien à voir avec la matière à l’échelle macroscopique.
Ces recherches prépareront les applications du futur. C’est le cas en particulier de l’électronique moléculaire, qui utilisera les propriétés quantiques de la matière. Aujourd’hui, les puces informatiques classiques possèdent des transistors dont la taille ne peut plus guère être réduite sauf à se rapprocher de l’échelle quantique. Si on veut encore augmenter les performances de nos puces, il faudra donc changer d’approche.
Les premiers appels d’offres de collaboration entre laboratoires viennent d’être lancés. En quoi consistent-ils ?
Ils visent à faciliter les collaborations entre des équipes de NEXT, et à plus long terme, avec d’autres équipes sur le campus toulousain.
Parmi les projets de recherche, on peut ainsi citer l’étude des « condensats de Bose-Einstein », un phénomène qui se produit lorsque des atomes sont refroidis à très basse température et se mettent alors tous dans le même état quantique. Pour refroidir ces atomes, pour les manipuler et les étudier, nous utilisons un même outil : le laser. L’approche théorique vient compléter l’étude et la compréhension de ces systèmes. Un autre projet concerne la création de matériaux pour l’électronique moléculaire : nous allons créer des logiciels pour simuler le comportement de ces molécules avant de les synthétiser.
Enfin, un autre projet vise à fabriquer et à caractériser des nanoparticules magnétiques. Une application possible pourrait être le traitement du cancer. Les nanoparticules pourraient être dirigées vers la tumeur puis soumises à un champ magnétique. Elles s’échaufferaient alors, et pourraient ainsi détruire les cellules cancéreuses.
Ces appels d’offre consistent aussi à développer des « plates-formes », équipements scientifiques servant à un large éventail de la communauté de physico-chimie toulousaine.
Que représente la physique fondamentale à Toulouse ?
La communauté de physique fondamentale toulousaine n’est pas très importante en nombre, en comparaison de l’Ile de France ou de la Région Rhône-Alpes. La physique à Toulouse a eu son heure de gloire à la fin des années 50 avec la célèbre « boule » du CEMES, au bord du Canal du Midi, qui abritait le microscope électronique le plus puissant de France. Elle était alors très portée sur la technologie. Il y a une vingtaine d’années, les thématiques étudiées ont été élargies, avec la création de nouveaux laboratoires dont le LPT. Désormais, grâce à NEXT, porté par Xavier Marie, du LPCNO, nous allons rendre la physique toulousaine encore plus visible au plan national et international.
Qu’allez-vous faire avec la dotation de ce Labex, qui se monte à 1 million d’euros par an sur dix ans ?
Elle sera consacrée pour 60% aux plates-formes et collaborations entre nos différents laboratoires, avec ces appels d’offres cités précédemment. Le reste sera notamment utilisé pour inviter des chercheurs de renom. Ainsi, Anthony Legget, prix Nobel de physique 2003, passera le mois d’avril prochain au LPT.
Côté éducation, nous financerons des bourses de Master 2 pour des étudiants qui auront prouvé leur excellence. L’idée est qu’ils tirent les Master toulousains de physique vers le haut. Ceux-ci connaissent actuellement une certaine désaffection, notamment ceux de physique fondamentale, qui sont réputés les plus difficiles. Enfin, nous financerons pour nos jeunes docteurs la participation aux « doctoriales », un dispositif qui permet de leur faire découvrir le marché de l’emploi hors du secteur académique, pour faciliter leur insertion professionnelle.
Il y a donc des débouchés dans le privé pour les jeunes docteurs en physique, notamment théoriciens ?
Oui ! Ainsi, au LPT, près de 45% de nos docteurs partent dans le privé, dans les secteurs de l’électronique ou de l’aéronautique par exemple. Les employeurs apprécient particulièrement leur bonne formation en mathématiques et en simulation numérique, associée au côté concret de la recherche en physique !