En quoi le congrès d’Hyderabad est-il si important et que s’y déroule t-il ?
Xavier Buff : C’est la grand messe de la communauté mathématique mondiale. Deux types de conférences y sont données : les unes sont très spécialisées, et dans les autres on essaye de représenter toutes les branches des mathématiques.
L’enjeu, ici, c’est que des mathématiciens puissent comprendre ce qui se fait dans les autres disciplines que les leurs. Car très souvent, en dehors de son propre travail, le reste de la recherche “qui se fait” est difficile d’accès. L’autre enjeu concerne bien sûr les différents prix qui y sont attribués, dont les médailles Fields.
Vos présentations porteront sur les « systèmes dynamiques », dont vous êtes spécialistes. De quoi s’agit-il ?
Arnaud Chéritat : Au départ, il s’agit d’étudier l’évolution du mouvement de plusieurs objets en interaction, par exemple, gravitationnelle. Newton a été le premier a mettre en équation l’attraction entre la Terre et le Soleil. Mais dès que l’on ajoute un troisième corps au duo, la Lune par exemple, la position de chacun devient rapidement imprédictible, ce qui a été démontré par Henri Poincaré à la fin du XIXème siècle.
On imagine dès lors la difficulté d’analyse dès qu’on multiplie les éléments en interaction ! On dit que les systèmes dynamiques sont chaotiques. Ils renvoient aussi à l’expression d’ « effet papillon » : une minime perturbation finit par modifier complètement les trajectoires des objets du système.
XB : Notre travail relève de mathématiques fondamentales : on parle de dynamique “holomorphe”. Un terme ésotérique dont une illustration est toutefois bien connue du grand public : les “fractales”. On peut voir ce domaine comme une notion approfondie des “suites définies par récurrence” que l’on voit au lycée.
La recherche en mathématique des systèmes dynamiques représente plusieurs milliers de chercheurs dans le monde et elle est en plein essor. Mais, dans notre domaine particulier dont nous avons présenté les avancées à Hyderabad, elle compte seulement deux ou trois cents spécialistes.
Votre travail est-il directement relié à des applications ?
XB : Nos résultats peuvent, le cas échéant, être déclinés par des mathématiciens appliqués avec lesquels d’ailleurs nous pouvons échanger de manière complémentaire. Les applications sont nombreuses : la météo, l’étude du trafic automobile…
AC : Un de nos collègues de l’Institut de Mathématiques de Toulouse travaille sur la forme et la stabilité des galaxies. Par ailleurs, on étudie le mouvement du plasma utilisé dans les réacteurs nucléaires. Les deux systèmes dynamiques sous-jacents sont très proches !
Propos recueillis par Frédéric Dessort, pour KwantiK !
Pour aller plus loin
On pourra découvrir avec profit « Dimensions », un documentaire vidéo étonnant et très pédagogique sur les fractales
Image des mathématiques : un site du CNRS avec l’actualité de la recherche en mathématiques, des articles vulgarisés et des jeux.
Arnaud Chéritat : Après avoir fait ses études à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, il soutient sa thèse en 2001 à l’Université d’Orsay. Il arrive à Toulouse en 2002 en tant que maître de conférences à l’Université Paul Sabatier, et devient, en 2007, chercheur à plein temps, au CNRS.
Xavier Buff : Également normalien, il soutient sa thèse en 1996 à l’Université d’Orsay. Il arrive à Toulouse en 1998, et a obtenu le grade de professeur des universités en 2008. Il est également directeur de l’Institut de Recherche pour l’Enseignement des Mathématiques de Toulouse. Détaché à l’Institut Universitaire de France, il intervient à Supaéro ainsi qu’en Master I de mathématiques à l’Université Paul Sabatier où il propose un cours de sensibilisation aux métiers liés aux mathématiques.