« Les Experts », « Bones »… A la télé, les séries qui mettent en scène la police scientifique cartonnent. Le Muséum de Toulouse ne s’y est pas trompé en concevant sa nouvelle exposition, qui démarre le 12 octobre dans le cadre de La Novela, comme une investigation policière. Au cœur de « Préhistoire(s) : l’enquête », il y a l’énigme de l’extraordinaire sépulture de Téviec, trouvée en Bretagne et arrivée au Muséum dans les années 30. Deux squelettes recroquevillés, parés de colliers, entourés de restes de coquillages et d’un amas de bois de cervidés…
Un homme et une femme, a-t-on cru pendant longtemps. Jusqu’à ce que nos modernes experts, par un examen au scanner, ne distinguent les parties originales des squelettes des ajouts faits à ceux-ci par les restaurateurs du passé. Ils sont désormais formels : ce sont ceux de deux femmes âgées de 25 à 30 ans. Les légistes ont examiné avec attention les crânes. Verdict : des traces de coups mortels, et deux impacts de flèche sur l’un d’entre eux. Les deux femmes ont donc été assassinées… il y a plus de 7000 ans.
A qui profite le crime ? A chacun d’entre nous puisque c’est l’occasion, autour des squelettes reconstitués sur la table d’examen, de mener l’enquête et de découvrir les méthodes de travail et d’analyse de l’archéologie moderne. Il faut aller chercher chaque « indice » dans les salles attenantes, accompagné par un livret sous forme de polar écrit pour l’occasion par le romancier Mouloud Hakkouch.
Une Vénus exceptionnelle
Une investigation chronologique, environnementale, technologique, sociale… qui permet de dater les squelettes, de replacer ces populations de la préhistoire dans leur milieu naturel, de découvrir leurs outils et leurs pratiques culturelles. Avec, à l’appui, de nombreux objets.
« C’est la première exposition temporaire totalement produite par le Muséum, qui souhaite valoriser ses collections », souligne en effet Virginio Gaudenzi, directeur par intérim (*). En préhistoire, elles sont particulièrement riches, car Toulouse a été pionnière dans cette discipline, avec des conservateurs et préhistoriens prestigieux tel Émile Cartailhac.
On pourra ainsi admirer des outils en os – harpons, aiguilles – parfois d’une extrême finesse, des objets ornés de représentations animales ou humaines et, prêtée pour un temps limité par le Muséum national d’histoire naturelle de Paris, la Vénus de Lespugue, une rarissime statuette d’ivoire. Les animaux de la préhistoire sont aussi mis en scène avec un spectaculaire squelette de rhinocéros laineux, une acquisition du Muséum toulousain pour l’exposition.
Tous les crânes seront passés au scanner
Mais le Muséum ne se contente pas d’exposer ses collections. Exposition et recherche sont désormais intimement liés. Les « experts » sont tous issus des laboratoires toulousains des Universités de Toulouse-Le Mirail et Paul-Sabatier, regroupés au sein d’un comité scientifique présidé par Jean Guilaine, professeur au Collège de France. Leurs investigations ont commencé avant l’exposition et vont se prolonger.
« Trente chercheurs ont été mobilisés sur la sépulture à l’échelle nationale. Leurs découvertes font que tous les squelettes trouvés sur le site de Téviec (21 individus y ont été inhumés) vont être réétudiés, raconte en effet Gaëlle Cap-Jédikian, chef de projet de l’exposition.
Un nouveau programme de recherche devrait démarrer d’ici fin octobre : il s’agit d’essayer de préciser le contexte dans lequel ces deux femmes ont été assassinées. Il implique notamment le Laboratoire d’anthropobiologie de Toulouse, le laboratoire TRACES (Mirail), des chercheurs extérieurs et le Musée de la préhistoire de Carnac (Morbihan). Objectif : réexaminer l’ensemble des crânes mis au jour au sein des sépultures de Téviec grâce à l’imagerie médicale afin déceler d’éventuelles marques de fractures survenues la mort.
D’autres crimes auraient-ils été commis à Téviec ? Une question à la portée des seuls experts de la préhistoire, mais à partir de laquelle chacun pourra imaginer son propre polar.
Jean-François Haït, pour KwantiK !
(*) Il occupe les fonctions de Jean-François Lapeyre, disparu en juillet 2010, auquel l’exposition est dédiée.
Crédits photo Vénus de Lespugue : MNHN, Daniel Ponsard ; Scanner : Ima solutions
Préhistoire(s) : l’enquête
A partir du mardi 12 octobre du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
35 allées Jules-Guesde, Toulouse
Métro Carmes ou Palais de Justice
Tarif normal : 8€ – Tarif réduit : 5€ (accès exposition temporaire + exposition permanente).