Le constat semble partagé par tous : il est grand temps de réduire significativement le recours aux pesticides. Car si ces substances chimiques ont permis d’accroître considérablement les rendements agricoles, leurs effets sur la santé humaine et sur l’environnement sont de plus en plus montrés du doigt.
En 2008, après moultes discussions, le Grenelle de l’environnement a ainsi fini par élaborer le plan Ecophyto 2018. Son objectif : réduire de 50 % l’usage des pesticides dans un délai de 10 ans « si possible »(1).
L’objectif est-il réellement tenable ? Quels types d’adaptations nécessite-t-il ? C’est à ces questions et à bien d’autres que l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) s’est efforcé de répondre dans son rapport Ecophyto R&D, remis fin janvier 2009 aux ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement.
Privilégier au maximum les plantes résistantes
Conduite par 80 experts, cette vaste étude conclut qu’une baisse d’environ 30 % de l’utilisation des pesticides par rapport à 2006 « serait atteignable avec des changements significatifs de pratiques, mais sans bouleversement majeur des systèmes de production. »
Ces évolutions s’accompagneraient d’effets plus ou moins marqués sur les niveaux de production et les marges selon les secteurs. Si l’on prend l’exemple des grandes cultures (blé, maïs, etc.), qui représentent la majorité des surfaces et de l’utilisation des pesticides, les marges bénéficiaires seraient, selon l’étude, peu ou pas touchées, avec une baisse de production d’environ 6 %.
Midi-Pyrénées, bonne élève
« Dans les scénarios envisagés pour atteindre cet objectif des 30 %, la première action à mener consiste à privilégier au maximum les plantes résistantes aux bioagresseurs et à combiner avec plus de cohérence les techniques agricoles disponibles », explique Philippe Debaeke, chercheur à l’Inra de Toulouse et mandaté en tant qu’expert Grandes cultures pour l’étude Ecophyto R&D.
Les agronomes élaborent ainsi des outils d’aide à la décision. En effet, choisir de façon plus raisonnée la date de semis, d’irrigation, la quantité d’azote, etc., sont autant d’éléments qui permettent de réduire les besoins en pesticides. Sans oublier le retour au désherbage mécanique plutôt que chimique. Cette technique est déjà largement utilisée en Midi-Pyrénées. « Dans notre région, de nombreux groupes d’agriculteurs ont initié des actions pour réduire l’usage des pesticides », constate Philippe Debaeke.
Des mentalités à changer
Mais toutes ces solutions ne suffiront pas pour atteindre l’ambitieux objectif des 50 % fixé par le plan Ecophyto 2018. Pour y parvenir, c’est une profonde évolution des systèmes de production qu’il faut amorcer, avec notamment l’introduction de nouveaux types de cultures pour allonger les rotations, voire le remplacement de certaines cultures par d’autres moins dépendantes des pesticides, comme les abricotiers et les noyers à la place des pommiers.
Des choix qui modifieraient la structure-même de la production française. Des incitations politiques et économiques seront aussi nécessaires, sans oublier le changement des mentalités des consommateurs. Car, comme le remarque Philippe Debaeke, « si nous accordions moins d’importance à l’aspect des fruits et légumes que nous achetons, une grande quantité de pesticides uniquement utilisés pour l’obtention du « zéro défaut » deviendraient d’un coup inutiles. »
Anne Lesterlin, pour KwantiK !
Pour en savoir plus : étude Ecophyto R&D (résumé et rapport complet)
(1) Le plan Ecophyto 2018 s’inscrit dans un cadre d’action communautaire : la directive européenne « utilisation durable des pesticides » de 2009 prévoit en effet la mise en œuvre des principes de la lutte intégrée (combinaison de toutes les méthodes non chimiques en priorité, utilisation des pesticides en dernier recours) à compter du 1er janvier 2014.