Hervé Aubert est chercheur au LAAS, où son équipe élabore un nouveau concept de puces RFID à base de micro-capteurs qui intéresse déjà les industriels. Focus sur une innovation originale alors que le premier « RFID Congress » se tient à Toulouse les 14 et 15 septembre.
Quelles sont les différences entre les puces RFID classiques et votre concept ?
Nous avons dépouillé ces micro-systèmes de toute électronique ! En effet, les puces RFID fonctionnent très souvent grâce à une petite antenne, un petit circuit électronique et donc, une alimentation électrique. Notre point de vue est radicalement différent. Nous avons créé des micro-capteurs à base de silicium dont les propriétés électromagnétiques changent en fonction de la grandeur physique à mesurer, comme la pression, la température, ou la concentration en gaz…
Avec un petit radar, nous envoyons un flux d’ondes électromagnétique vers le capteur, dans des bandes de fréquence assez hautes, dans le domaine des micro-ondes. Le capteur renvoie un écho radar dont la signature dépend sensiblement de l’état de celui-ci, donc de la grandeur physique à mesurer. Cet écho est analysé par le détecteur.
On peut ainsi déterminer, en temps-réel, les variations de la température, de la pression, ou encore la présence de gaz, etc. Mais cette technologie permet aussi de remplir le rôle initial des puces RFID : permettre d’identifier l’objet ou la personne qui la porte.
Comment se présentent ces capteurs et le détecteur ?
Les capteurs de pression que nous avons créé sont munis d’une membrane en silicium qui se déforme lorsqu’on leur applique une pression. Ils occupent une surface de quelques millimètres carrés. Les capteurs qui permettent la détection de gaz ne sont pas plus gros qu’une pièce d’un centime. Quant au détecteur que nous utilisons, c’est un radar qui envoie des ondes modulées de manière continue.
Quelles sont les avantages de votre approche ?
Nous nous affranchissons de l’implantation d’équipement micro-électronique et notamment de micro-système d’alimentation. La puce devient un capteur totalement passif. Notre technologie présente donc des avantages sur les puces RFID classiques en termes de durée de vie, de coût, de facilité de fabrication…
De plus, elle est performante en terme de portée. Nous avons en effet constaté en laboratoire que nous pouvons détecter nos micro-capteurs jusqu’à une distance de 40 mètres.
Quelles applications projetez-vous ? Travaillez-vous avec des industriels ?
En effet, une partie de nos études a déjà été financée dans le cadre du projet SACER (système autonome communicant embarqué en réseau) porté par le pôle de compétitivité Aéronautique, Espace et Systèmes Embarqués. Ce programme vise à concevoir des réseaux de capteurs sans fils, par exemple, de température, de pression, de vibration… utilisés dans le domaine de l’avionique. Car aujourd’hui, ces capteurs sont reliés entre eux par un câblage informatique et électrique.
Nous sommes également impliqués dans un programme de recherche collaboratif mené par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Dans ce cadre, nous étudions la dissémination de capteurs dans des alvéoles situées à proximité des zones de stockage nucléaire. Ils auront pour rôle de détecter des variations anormales de températures pouvant être le signe de fuites radioactives.
Nos recherches sont également soutenues par la Région Midi-Pyrénées dans le cadre du projet « RF Gaz » qui vise comme son nom l’indique à la détection de différents gaz avec notre technologie.
Pour protéger nos découvertes, nous avons déposé un brevet en 2009 que nous venons d’étendre au plan international. Et plusieurs industriels, dont des PME régionales, se disent prêtes à l’exploiter rapidement.
Propos recueillis par Frédéric Dessort, pour KwantiK !
(*) L’équipe Micro et nanosystèmes pour les communications qui effectue ces recherches au LAAS est composée d’Hervé Aubert, également professeur à l’ENSEEIHT, Patrick Pons et Philippe Ménini, et de trois doctorants, Hamida Hallil, Mehdi Jatlaoui et Franck Chébila