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Le satellite SMOS gêné par les émissions radio humaines

Lancé en novembre 2009, le satellite SMOS transmet ses premières données sur la salinité des océans et l’humidité des sols de notre planète. Mais sous le regard de son principal instrument, le radiomètre MIRAS, une intense pollution électromagnétique d’origine humaine s’est révélée.

« SMOS a été conçu pour voir des choses qu’on ne voyait pas auparavant », souligne Yann Kerr, responsable scientifique de la mission, et directeur du Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO) (1) de Toulouse. Mais les premières images du satellite ont révélé quelque chose qu’il n’imaginait pas : une intense pollution radio d’origine humaine.

Imaginé au CESBIO et lancé le 2 novembre 2009, SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity) est un satellite européen (2) construit à partir de la plateforme Proteus du Cnes. Il mesure, grâce à son instrument baptisé MIRAS, l’énergie rayonnée par la Terre, qui varie selon la salinité des océans et l’humidité des sols.

Cette mesure, qui pour la première fois sera globale, permettra de cartographier la circulation des courants marins dans les océans, qui joue un rôle important dans le climat, et de mieux comprendre le cycle de l’eau (les échanges d’eau entre le sol, l’océan et l’atmosphère), qui concerne la végétation, les précipitations et le climat également.

Les radars militaires pointés du doigt

MIRAS capte une longueur d’onde en théorie réservée à l’observation scientifique. Pourtant, les chercheurs ont eu la déconvenue de voir qu’elle était « parasitée » par de puissants radio-émetteurs, dont un grand nombre de militaires. « On peut voir tout l’arc d’antennes aux Etats-Unis et au Canada, qui a notamment servi pendant la guerre froide à détecter les lancements de missile et qui est encore en activité, s’étonne Yann Kerr, et même les radars engagés aujourd’hui dans les conflits du Moyen-Orient ! ».

Sous les yeux de MIRAS, la société humaine constelle la carte des relevés géophysiques d’une multitude de points rouges, jusqu’à rendre certains pays quasiment opaques aux capteurs du satellite, « comme cette perturbation qui couvre entièrement l’Espagne, et déborde même sur l’Afrique du Nord ! », précise le chercheur. En France, seul la zone du site militaire de Cazaux (près de Bordeaux) poserait réellement un problème.

Une réclamation officielle a été déposée auprès de l’Union Internationale des Télécommunications, qui poussera peut-être les militaires à changer de fréquence, ou du moins à cesser d’émettre aux heures de passage du satellite au-dessus de leur territoire. « En attendant, on a perdu beaucoup de temps à essayer de filtrer ces perturbations », soupire Yann Kerr.

Premiers résultats scientifiques étonnants

Tout cela n’a pas empêché les chercheurs du CESBIO de commencer à tester leur instrument. « Il y a des cas délicats à interpréter. Ainsi, les différentes couches de glace au sol, ou l’influence des vents sur la surface des mers, nous gênent pour obtenir une mesure fine de la salinité », souligne Yann Kerr.

En avril, le satellite se lancera dans une grande campagne d’observation du sud-ouest de la France et de l’Europe, avant de se concentrer cet été sur le Mali et le Niger, deux pays fréquemment frappés par la sécheresse. Le radiomètre de SMOS devrait permettre de mieux comprendre les interactions du sol et de l’atmosphère, notamment de l’évaporation des ressources en eau.

Il faudra néanmoins attendre la mi-2010 pour disposer des premières données exploitables. Mais les résultats de SMOS intéressent déjà la NASA, dont le satellite SMAP viendra en 2015 prendre la relève.

Simon Castéran, pour KwantiK !

(1) un laboratoire Université Paul-Sabatier-CNRS-CNES-IRD http://www.cesbio.ups-tlse.fr/

(2)ESA, Cnes, CDTI (Agence spatiale espagnole)