Des Pyrénées à la pointe du Finistère et du Languedoc aux côtes landaises, pas moins de 250 sismomètres mesureront bientôt l’activité sismique de la région dès 2011. Baptisée Pyrope, pour PYRenean Observational Portable Experiment, cette expérience de grande ampleur fait appel aux particuliers qui souhaitent aider la science en installant de petites stations de sismologie dans leur jardin.
Le dispositif est simple : un sismomètre enregistre les vibrations du sol, qui sont ensuite enregistrées numériquement et datées puis, si la couverture GSM du site le permet, envoyées en temps réel. Le dispositif fonctionne aussi dans les caves, où il est posé à même le sol et isolé thermiquement. Seul inconvénient : le site doit être loin des routes, des torrents ou même de tout bosquet, qui pourraient perturber les mesures extrêmement fines du sismomètre.
« C’est un peu la quadrature du cercle de trouver des sites qui soient à la fois accessibles et pas trop parasités par les bruits », reconnaît Matthieu Sylvander. Responsable du Réseau de Surveillance Sismique des Pyrénées (RSSMP), ce jeune sismologue du laboratoire Dynamique Terrestre et Planétaire de Toulouse (CNRS-Université Paul-Sabatier Toulouse III) a néanmoins déjà reçu une douzaine de propositions.
120 stations temporaires
A terme, le réseau de sismomètres devrait être constitué d’un maillage d’environ 120 stations temporaires espacées de 60 km, dont les données s’ajouteront aux enregistrements d’une soixantaine de stations permanentes. Pendant deux ans, les informations seront recueillies, « ce qui donnera du travail aux chercheurs pour au moins dix ans ! », se réjouit Matthieu Sylvander. Financés par des fonds publics, les travaux seront d’ailleurs publiés librement et devraient intéresser nombre de chercheurs en France et dans le monde.
A commencer par les scientifiques espagnols, dont le projet TOPO-IBERIA de mesures sismologiques s’arrêtait à la frontière avec la France, et auquel PYROPE est venu se greffer. « C’était une occasion à ne pas manquer, souligne Matthieu Sylvander. Nous pourrons étudier les Pyrénées dans leur intégralité, et mieux comprendre comment elles se sont formées, ainsi que le golfe de Gascogne, une petite mer apparue il y a plusieurs dizaines de millions d’années quand la plaque ibérique s’est séparée de la plaque eurasienne depuis la Bretagne ».
Comme une échographie du sous-sol
Toute la difficulté aujourd’hui est de déterminer le mouvement de ces deux plaques tectoniques l’une par rapport à l’autre, et leurs compositions géologiques respectives. Or, les ondes sismiques se propagent différemment selon les roches traversées. Comme pour une échographie, le réseau de sismographes va donc détecter ces variations de vitesse, et permettre ainsi de dresser un paysage du sous-sol pyrénéen, dont le relief et les frontières des plaques eurasienne et ibérique. Une opportunité pour les géologues, que le projet Pyrope a permis d’associer aux sismologues, « alors que ces deux communautés ne se fréquentent pas souvent, reconnaît Matthieu Sylvander, parce qu’elles ne parlent pas le même langage ».
L’expérience permettra en outre, en cartographiant les failles avec une résolution de quelques centaines de mètres, d’affiner les modèles de risque sismique en Midi-Pyrénées et de mieux localiser les tremblements de terre. Bien que la région soit la plus active de France sur le plan sismologique, il n’y a pourtant pas apparemment lieu de s’inquiéter. Comme le rappelle Matthieu Sylvander, « il y a de très nombreux petits séismes dans les Pyrénées, qui ne dépassent pas 5 sur l’échelle ouverte de Richter. Les plaques bougent très lentement, ce qui est une chance pour la population, mais ça n’aide pas beaucoup les sismologues ! ».