« Cafés savoirs », « Mercredis de la connaissance »… Marie-Christine Jaillet, vice-présidente du Conseil scientifique de l’Université de Toulouse II – Le Mirail, explique comment une nouvelle politique de diffusion des savoirs permettra de montrer au public que l’UTM est synonyme d’excellence scientifique et pas seulement de grèves dures.
En tant que vice-présidente du conseil scientifique de l’Université de Toulouse II – Le Mirail (UTM), vous êtes notamment chargée de la diffusion des savoirs (*). Quel rôle joue cette activité pour votre établissement ?
C’est un enjeu très important. Car la question de l’ « utilité » de nos disciplines – art, lettres, langues, sciences humaines et sociales – est mise en cause parfois de manière très choquante.
Certes, nous ne participons pas directement à l’activité économique, mais nous avons une capacité d’expertise pour les institutions publiques, puisque nos géographes et nos urbanistes sont mobilisés par les collectivités, et nous intéressons aussi les entreprises, avec nos ergonomes et nos spécialistes du travail. Chez nous, les littéraires, les linguistes, peuvent développer des outils de traduction par exemple. Et deux de nos doctorants ont même eu le premier prix de design de la société Nespresso !
Donc, nous sommes aussi utiles économiquement. Mais l’utilité de nos disciplines est surtout celle d’une meilleure compréhension des sociétés dans lesquelles nous vivons. Elles jouent un rôle considérable pour l’histoire, la mémoire, les mythes. Notre rôle est de garder vivant ce patrimoine et de l’enrichir.
Vous lancez plusieurs initiatives de diffusion des savoirs vers le grand public. Cette diffusion n’existait-elle pas auparavant à l’UTM ?
Au contraire, elle était déjà importante, mais elle était le fait d’initiatives individuelles de chercheurs, qui animaient par exemple les « cafés philo », « cafés géo », etc. Nous voulons aujourd’hui organiser cette diffusion pour la rendre visible, et ainsi nous donner une autre image.
Car l’Université du Mirail n’a pas une bonne image, elle est synonyme de grève, avec des modes de contestation très durs. Pourtant, elle est sur le plan de la recherche dans nos disciplines une des toutes premières universités après Paris !
Les Cafés savoirs, qui avaient été éclipsés par la grève l’an dernier, voient leur deuxième édition démarrer cette semaine (voir programme). De quoi s’agit-il ?
Ce sont des lieux conviviaux à Toulouse et dans son agglomération, pas uniquement des cafés d’ailleurs, où on peut venir plus spontanément qu’à l’Université. Les chercheurs ont choisi les thématiques, qui sont très variées. Ils viendront discuter par exemple de la réussite scolaire ou de la crise financière.
C’est l’occasion pour eux de « socialiser » leurs résultats de recherche et d’aider le public à décrypter certains thèmes – on parlera du fait religieux par exemple. La formule n’est pas figée et l’année prochaine, il n’est pas impossible que nous choisissions un thème unique.
Vous venez également de lancer les Mercredis de la connaissance, qui sont des conférences plus classiques. A qui s’adressent-ils ?
A un public très large. Cette fois, on fait venir les gens à l’UTM, dans un amphithéâtre, et le spécialiste invité traite une question d’actualité. Pour la première conférence le 5 mai dernier, nous avons accueilli Claude Hagège, le célèbre linguiste, qui s’est interrogé sur la pertinence de créer une langue unique.
Mais des chercheurs de notre université, qui viennent par exemple de publier un livre, pourront aussi intervenir. Et nous démarrerons un cycle « junior » où ce sont nos doctorants qui viendront présenter leur travaux. C’est l’occasion de montrer qu’on produit un savoir nouveau à l’UTM.
L’UTM est située au cœur du quartier du Mirail. Comptez-vous y mettre en place des initiatives spécifiques ?
Au Mirail, nous souhaitons travailler avec les collèges du quartier. L’idée est de mettre en rapport un laboratoire de l’UTM avec un collège, sur un projet de longue durée, avec l’aide d’associations spécialisées dans la médiation scientifique vers les jeunes. Là encore, il s’agit de donner une autre image de notre université. Comme les autres, l’Université de Toulouse II – Le Mirail a droit de cité !
Propos recueillis par Jean-François Haït, pour KwantiK !
(*) Marie-Christine Jaillet dirige également le LISST (Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires).