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« Les réseaux deviennent un sujet important pour les sciences sociales »

Facebook, Twitter, mais aussi l’entreprise ou le monde rural… Les réseaux sont partout et le Labex toulousain « SMS » va les étudier. Michel Grossetti, sociologue au LISST et porteur du projet, en explique les enjeux.

Le projet Structuration des Mondes Sociaux (SMS) porté par cinq laboratoires de l’Université Toulouse II – Le Mirail vient d’être labellisé Laboratoire d’excellence (Labex). Il vise à étudier les réseaux sociaux. Autrement dit, Facebook ?

Pas seulement ! Les réseaux sociaux, ce sont des ensembles de relations entre personnes, de nature très variable : liens familiaux, professionnels… Cela peut être aussi des liens entre des organisations ou des entreprises.

A Toulouse, nous avons déjà une bonne expérience de l’analyse de certains de ces réseaux. Avec SMS, nous élargissons le spectre avec les compétences des laboratoires impliqués. Nous intégrons la manière dont les normes et les règles sont établies dans la société, les dispositifs techniques qui prennent une place croissante dans nos vies, la dimension géographique avec la notion de territoire…

Ainsi, nous couvrons l’ensemble des phénomènes sociaux, dans lesquels les réseaux, qui étaient jusqu’à présent assez peu étudiés par nos disciplines, deviennent un sujet important, qu’il faut relier aux autres – les collectifs, groupes, classes sociales, etc.

Quelles thématiques seront abordées par SMS ?

Les supports de sociabilité comme Facebook – inévitablement ! – et plus largement les réseaux basés sur les TIC. Le monde s’en équipe de plus en plus. Il s’agit de savoir si cela a un effet sur la cohésion sociale, sur la ségrégation, sur l’accélération de phénomènes de diffusion d’information… Grâce à la dotation du Labex, nous pourrons faire des enquêtes fouillées sur les usages, sur des panels pouvant dépasser les 1000 utilisateurs.

Nous nous explorerons également les réseaux, notamment économiques, qui se constituent avec les migrations, et ceux du monde scientifique et de l’innovation, qui évoluent beaucoup avec l’internationalisation des collaborations entre chercheurs.

Vous allez également vous intéresser au vieillissement…

Les sociologues de l’Université Toulouse II – Le Mirail travaillent déjà avec les médecins sur cette thématique qui constitue un pôle fort à Toulouse. Avec SMS, l’approche sera différente : nous allons suivre à intervalles réguliers une population de personnes âgées volontaires divisée en plusieurs tranches d’âge.

Nous étudierons en particulier leur réseau de relations, qui diffère selon les classes sociales, et dont la richesse est un critère très important pour le maintien d’une bonne santé.

Enfin, il faut mentionner deux autres thématiques : les rapports entre réseaux sociaux et structures de pouvoir, notamment au Moyen-Âge, et les réseaux dans le monde rural, qui représente une large partie de Midi-Pyrénées. Sur ce point, on constate que l’étalement urbain bouleverse les réseaux caractéristiques du monde rural – des réseaux plus denses parce que comme la population locale est moins nombreuse, les relations sont plus interconnectées. Nous allons étudier ce phénomène en détail.

Dans le projet scientifique de SMS, l’approche mathématique des réseaux est exclue. Pourquoi ?

Les modèles mathématiques sont utiles, mais il y a un risque à remplacer complètement l’étude empirique des phénomènes sociaux par des modèles mathématiques. En clair, on ne peut pas mettre la société en équations, notamment parce qu’il ne suffit pas d’agréger des comportements individuels pour parvenir à une explication des phénomènes sociaux.

Ainsi, je pense qu’une partie de l’économie très largement basée sur les mathématiques qui est pratiquée aujourd’hui est sortie du champ des sciences sociales. Avec SMS, au contraire, nous privilégierons la démarche empirique.

Comment vos travaux sont-ils valorisés et comment diffusent-ils vers le public ?

La valorisation de nos travaux ne se traduit pas prioritairement par la production de richesses dans les entreprises, même si cela peut se faire dans certains domaines, comme la sociologie du travail et des organisations. Elle passe par la rédaction d’ouvrages et la participation au débat public et citoyen. Avec SMS, nous souhaitons structurer davantage et amplifier cette activité de diffusion.

Pour répondre à la demande du grand public et de la presse, nous allons créer une « cellule d’interface », avec des chercheurs référents, et nous produirons des fiches de synthèse sur des questions de société. Nous ouvrirons aussi des lieux de débat. Mais attention, il ne s’agira pas de faire un café du commerce, ou de jouer les intellectuels médiatiques qui ont réponse à tout !

Nous nous appuierons toujours sur les recherches réalisées dans le laboratoire et sur l’état des savoirs dans nos disciplines, et la diffusion se fera dans les deux sens. Les questions du public, en particulier, seront un objet de recherche.

Propos recueillis par Jean-François Haït, pour KwantiK !

Le Labex SMS

Doté de près de 7 millions d’euros, le Laboratoire d’excellence SMS (Structuration des mondes sociaux) regroupe cinq laboratoires associés à l’Université Toulouse II – Le Mirail :

- LISST (Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires), CNRS-UT2-EHESS

- FRAMESPA (France méridionale et Espagne : histoire des sociétés du moyen âge à l’époque contemporaine), CNRS-UT2

- CERTOP (Centre d’Etude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir), CNRS-UT2-UT3

- Dynamiques rurales, UT2, INPT, Ministère de l’agriculture

- PLH (Patrimoine, Littérature, Histoire), UT2

ainsi que des équipes d’autres laboratoires toulousains : LASSP (IEP Toulouse, sciences politiques), LEREPS (Université de Toulouse 1, économie), équipes IODA et MEDIATION de l’INRA-AGIR (économie, sociologie) et des membres de l’IRIT (Toulouse 3, INP et CNRS, informatique) et du LERASS (information et communication). Le Labex SMS totalise près de 400 permanents.