Des crèmes de soin aux yaourts, dans les peintures, les lunettes, les voitures et les médicaments, cela fait quelques années que les nanoparticules sont entrées dans notre monde. Mais curieusement, elles n’avaient guère pénétré les programmes pédagogiques de l’Education nationale.
Alors que les récents débats organisés dans plusieurs villes de France ont parfois tourné à l’affrontement, le collège Jean Lacaze de Grisolles a décidé d’intégrer l’étude des nanotechnologies dans le cursus de ses élèves de troisième. Le proviseur du collège, Claude Nabias, réfute néanmoins toute approche partisane : « il ne s’agit pas de faire la promotion des nanotechnologies, mais de permettre à nos élèves de s’approprier le sujet, et pour cela nous avons favorisé une approche pluridisciplinaire ».
Même l’anglais est concerné
Outre les matières scientifiques (physique, mathématiques, technologie), l’histoire, les lettres et l’éducation citoyenne se mêleront de la question des nanotechnologies. « Même l’anglais est concerné, souligne Christel Martin. Beaucoup de termes scientifiques sont empruntés à l’anglais, comme le micropatterning, qui désigne la fabrication d’éléments nanotechnologiques ».
Ingénieur de recherche à l’Institut des Technologies Avancées des Sciences du Vivant (ITAV) de Toulouse, cette jeune femme énergique est venue ce jour-là présenter en classe le monde de l’infiniment petit. Démonstration par l’exemple : armés de décimètres et de calculatrices, les élèves vont tenter de calculer les dimensions de divers objets présentés sous forme de photos : virus, tête d’insecte, neurones, mais aussi nanotubes de carbone, acier bi-phasique ou nanoparticules de polystyrène.
Problèmes d’échelle
Encadrés par les trois professeurs de physique, de mathématiques et de technologie, la classe travaille en petits groupes. Le proviseur se dit « surpris » par la concentration de ses élèves : « regardez, vous trouvez que ça ressemble à une classe de troisième ordinaire ? ». L’ambiance est en effet sereine et studieuse, tous semblant absorbés par leurs problèmes d’échelles.
Car la taille d’une nanoparticule est difficile à saisir : elle est 30 à 100.000 fois plus petite que l’épaisseur d’un cheveu. Ce qui lui permet de se glisser n’importe où, à l’intérieur même des cellules, jusque dans les molécules d’ADN qui, si la nanoparticule était un cube d’un mètre de côté, côtoierait des mastodontes de 100 mètres de haut !
Les nanoparticules en débat
Cependant, pour Christel Martin, il n’y a pas lieu de s’inquiéter d’une pénétration aussi invisible que profonde. « Il n’y a pour l’instant aucune étude de toxicité démontrant la nocivité des nanoparticules sur le corps humain », affirme-t-elle, avant de confesser qu’elle « n’achète pas de crème solaire contenant des nanoparticules »… Les élèves, eux, ne semblent pas inquiets. Arielle, 16 ans, attend « surtout de visiter le laboratoire en mars, ça permettra de concrétiser ce qu’on apprend ici ».
Puis ce sera, en avril, le temps du débat citoyen entre élèves, sur les avantages et les « risques éthiques » liés à l’utilisation des nanotechnologies. Mais si l’expérience est un succès, elle pourrait être poursuivie sous la forme d’un livret pédagogique destiné aux autres collèges de France. « Les financements existent, reconnaît Claude Nabias, on n’attend plus que la volonté du ministère ». Ce qui, là aussi, est un problème de taille.