Pour son directeur Martin Giard, le nouvel Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie créé en janvier tire sa force du mariage entre l’astrophysique et les sciences de la Terre.
Pourquoi créer un nouvel institut à Toulouse en regroupant des laboratoires qui existaient déjà au sein de l’Observatoire Midi-Pyrénées (1) ?
Pour créer de la richesse ! Nos équipes ont des outils et leurs cultures différentes, puisqu’elles viennent de deux communautés distinctes : l’astrophysique et les sciences de la Terre. Au sein de L’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), elles mettent en commun leurs compétences mais aussi leurs réseaux scientifiques.
Par ailleurs, nous gagnons encore en visibilité et en attractivité. Depuis la création de l’IRAP, nous avons ainsi reçu du monde entier d’excellents dossiers de candidats aux concours de recrutement de chercheurs comme ceux du CNRS, qui souhaitent intégrer notre institut.
Enfin, une masse critique plus importante, puisque l’IRAP compte 300 personnes, cela peut être à terme un avantage pour se positionner sur des projets scientifiques internationaux et traiter avec des interlocuteurs tels que l’Agence spatiale européenne, la Nasa ou l’Eso.
Quelles sont les activités de l’IRAP ?
Nous nous consacrons à la recherche en astrophysique et en planétologie, c’est-à-dire aussi bien aux galaxies et aux étoiles qu’aux planètes. Nous utilisons des données d’astronomie spatiale et au sol, et nous menons également au laboratoire des expériences pour simuler les conditions qui règnent dans le milieu interstellaire et à l’intérieur ou à la surface des planètes rocheuses (Lune, Mercure, Venus, Mars et la Terre).
Surtout, et c’est là notre point fort, nous concevons et fabriquons des instruments scientifiques pour les missions spatiales et les télescopes au sol. A l’IRAP, il y a pour cela 75 personnes, et nous disposons de salles blanches, et d’un hall où les instruments sont assemblés et testés dans leur configuration finale.
Nous terminons ainsi la fabrication d’un élément du spectrographe MUSE. Cet instrument qui permettra d’analyser la lumière des galaxies lointaines sera installé sur le Very Large Telescope au Chili. Auparavant, nos équipes avaient déjà réalisé toute l’électronique qui pilote les détecteurs de lumière des télescopes spatiaux Herschel et Planck, ainsi que l’instrument Chemcam, en train d’être monté sur la mission Mars Science Laboratory (MSL).
Justement, l’événement de l’année 2011 pour l’IRAP, c’est le lancement de MSL avec votre instrument Chemcam, annoncé par la Nasa pour le 25 novembre prochain…
Oui. MSL va se poser sur Mars et Chemcam, qui est une sorte de pistolet laser, va permettre de vaporiser à distance la roche martienne. La lumière émise par le matériau ainsi transformé en gaz va être analysée par un télescope également monté sur MSL. Le but est de déterminer avec précision la composition des roches martiennes.
A Toulouse, nous gardons le « modèle de qualification » de Chemcam, c’est-à-dire un deuxième exemplaire de l’instrument. Il nous permettra de faire des tests en temps réel pour résoudre les problèmes que pourrait rencontrer l’exemplaire de Chemcam envoyé sur Mars.
Quels sont les projets phares dans lesquels l’IRAP est impliquée ?
Nous construisons la caméra « Eclair », destinée à détecter les « sursauts gamma », des bouffées de lumière très énergétiques venant des confins de l’Univers. Elle sera montée sur le futur satellite franco-chinois SVOM.
L’IRAP travaille également à la fabrication des instruments du micro-satellite TARANIS, qui sera lancé en 2015. Il doit étudier les éclairs et phénomènes lumineux dans la stratosphère et l’ionosphère terrestre. Nous préparons aussi des instruments pour de futures missions européennes comme Bepi Colombo, qui va décoller vers Mercure en 2014, et d’autres plus lointaines (Solar Orbiter, SPICA, IXO).
A plus court terme, nous allons construire le télescope infrarouge PILOT, qui sera embarqué sous un ballon montant dans la stratosphère, dont le premier vol est prévu en 2012. Il analysera la lumière des poussières interstellaires piégées dans le champ magnétique de notre galaxie, ce qui permettra d’étudier celui-ci.
Les équipes de l’IRAP sont aussi présentes au Pic du Midi. Quel est l’avenir scientifique de cet observatoire mythique ?
Aujourd’hui, le Pic a un programme scientifique solide grâce à l’instrument Narval, réalisé par nos équipes et installé sur le télescope de 2 mètres de diamètre, qui a permis d’obtenir des résultats inédits sur le champ magnétique des étoiles.
Narval est jugé compétitif sur le plan international au moins jusqu’en 2015. Ensuite, il faudra renouveler les instruments. Il faut donc dès maintenant se poser la question de l’utilisation du Pic. Une piste serait d’y faire davantage de formation pour les étudiants. Mais il faut aussi un nouveau projet scientifique. L’appel à idées est lancé !
Propos recueillis par Jean-François Haït, pour KwantiK !
(1) L’IRAP a été créé en regroupant les personnels du Laboratoire d’astrophysique de Toulouse-Tarbes (LATT) et du Centre d’études spatiales des rayonnements (CESR), plus une partie du personnel du laboratoire Dynamique terrestres et planétaire (DTP) et du Laboratoire des mécanismes de transfert en géologie (LMTG).