Se jouer de la météo pour lâcher vingt ballons au dessus de l’Antarctique en septembre et octobre prochain : tel est le défi que devront relever les équipes du programme « Concordiasi » mené par un consortium international (*).
Les ballons ont été conçus par le Cnes, qui s’est fait une spécialité des applications scientifiques du plus léger que l’air. Ils vont tournoyer à 20 km d’altitude dans le vortex antarctique, une sorte de tourbillon qui se forme l’été au dessus du pôle sud du fait de différences de température. A leur bord : plusieurs instruments scientifiques pour réaliser des mesures de pression, de température, de formation de particules dans les nuages et de concentration en ozone.
Douze d’entre eux largueront des « drop sondes », développées par le National center for atmospheric research américain. Une drop sonde est un petit module d’instruments placé sous un parachute, qui va redescendre lentement jusqu’au sol. Il y en aura 600 au total, réparties sur les 12 ballons. Avantage : ces sondes vont effectuer des mesures – température, humidité, vent – sur toute l’épaisseur de l’atmosphère.
Des données précieuses pour la prévision
Au dessus de l’Antarctique, on ne dispose en effet que d’informations très partielles, car il y a peu de présence humaine pour faire des mesures. C’est pourquoi une campagne de l’ampleur de Concordiasi intéresse les chercheurs. « Les données des sondes et des ballons, recueillies in situ, vont être confrontées à celles obtenues à distance par les satellites. Cela permettra de mieux ’calibrer’ nos modèles météo qui utilisent largement ces données satellites, explique Florence Rabier, du Centre national de recherches météorologique de Météo-France, qui coordonne le projet pour sa partie française.
Les données seront ainsi comparées à celles fournies par IASI, un instrument qui vole sur le satellite Metop. « Le lâcher des drop-sondes sera synchronisé avec les passages du satellite Metop au dessus de l’Antarctique » précise la chercheuse. L’amélioration des modèles grâce aux données Concordiasi permettra notamment de meilleures prévisions météo sur les océans de l’hémisphère sud, directement influencés par l’Antarctique.
Le programme a un deuxième objectif : comprendre de quelle manière l’ozone de la stratosphère, qui nous protège notamment du rayonnement UV, est détruit à chaque printemps dans les nuages de très haute altitude. Une destruction due notamment à l’influence des CFC, les gaz refroidissants des réfrigérateurs, largement utilisés pendant des décennies mais aujourd’hui bannis.
« Le fameux trou d’ozone régresse et pourrait avoir disparu en 2060. Mais le réchauffement climatique ralentit un peu cette disparition. Il est nécessaire de comprendre ces mécanismes », explique Linnea Avalone, chercheuse à l’Université du Colorado associée au projet.
Conditions extrêmes
Pendant leur mission, les ballons, fabriqués par la société Zodiac à Ayguesvives, devront affronter des conditions « proches de celles rencontrées dans l’espace, avec des amplitudes de température entre -100°C et + 100°C » souligne Philippe Cocquerez, chef de projet Concordiasi au Cnes. Un soin particulier a été apporté lors de la construction pour éviter tout risque de fuite d’hélium par une perforation même minuscule.
Les ballons décolleront de la base américaine antarctique de MacMurdo, la plus facile d’accès pour ce genre d’opération. Ils seront ensuite contrôlés depuis le Centre spatial de Toulouse du Cnes, et les données collectées par les instruments seront transmises via un système de télécommunications Iridium. Quant aux drop sondes, elles seront contrôlées depuis Météo-France à Toulouse et les données collectées au Colorado. La mission des ballons devrait durer au moins trois mois.
Jean-François Haït, pour KwantiK !
(*) Cnes, Météo France, CNRS, NCAR, National Science Foundation, Universités du Wyoming, du Colorado et de Purdue. L’Institut Paul-Emile Victor fournit l’assistance dans l’Antarctique