REDIFFUSION DU 25 JANVIER 2010 – Comment mettre d’accord les agriculteurs, les industriels, les collectivités et les consommateurs sur la manière de préserver la qualité de l’eau, alors que leurs intérêts sont souvent divergents ? C’est pour résoudre cette équation en apparence insoluble que, Philippe Vervier, directeur de recherches au Laboratoire d’écologie fonctionnelle du CNRS (Ecolab), a créé la start-up Acceptables Avenirs.
Derrière ce nom peu banal, il y a l’idée d’amener tous les acteurs à dialoguer, et d’apaiser un débat parfois conflictuel grâce à l’objectivité des outils et de la méthodologie scientifique. Un apport hérité des activités du Groupement Interrégional Eau et Développement durable Ecobag, que Philippe Vervier dirige également.
Mais à la différence de nombreux transferts, Acceptables Avenirs puise moins ses ressources dans la recherche elle-même que dans les individus. Véritable plateforme collaborative, la jeune société de Philippe Vervier recourt à une quarantaine d’équipes de chercheurs et à des laboratoires issus de l’écologie, de l’économie et de la sociologie.
« Victime de son succès »
Après une première étude d’un dossier, comme le maintien de la qualité des eaux de surface (utilisées pour produire de l’eau potable) sur un territoire, vient le temps de la « co-construction ». « Dès le départ, nous fonctionnons sur la base d’un diagnostic partagé avec les différents acteurs du dossier, qui soumettent ainsi leurs attentes et leurs propositions de modifier les techniques agricoles », poursuit Philippe Vervier.
Chaque proposition fait alors l’objet d’un scénario d’évolution sur plusieurs années, puis est intégrée au logiciel Concert’eau. Développée pour Ecobag, cette application classe chaque scénario en fonction de son acceptabilité sociale, économique et écologique. Un bon moyen, pour Philippe Vervier, « d’éliminer d’un commun accord les scénarios extrêmes, sur lesquels les participants n’arrivent pas à se mettre d’accord ».
« C’est de la fiction », tempère Philippe Baron. Céréalier conventionnel à Loubersan dans le Gers, cet énergique agriculteur dit conserver un souvenir « mi-figue, mi-raisin » de la réunion. « Si c’est pour faire des extrapolations à quinze ou vingt ans, ça ne m’intéresse pas. En tout cas, ça n’a rien changé aux pratiques ». Lui attendait plus d’information sur la terre elle-même, « le premier support », que sur l’évolution des pratiques agricoles.
Une critique « positive » pour Philippe Vervier. « En un sens, la réunion Concert’Eau a été victime de son succès : les acteurs auraient voulu que la dynamique continue, au-delà des moyens d’action, sur des aspects beaucoup plus techniques. Et c’est très bien : une fois qu’on en a donné le goût aux gens, ils ont envie d’aller plus loin ».
Recruter pour viser l’Europe
Encore en phase d’étude préalable au sein de l’Incubateur Midi-Pyrénées, Acceptables Avenirs est déjà à l’œuvre sur cinq projets d’expertise, pour un chiffre d’affaires estimé entre 300 et 500.000 € par an. « Notre objectif, explique Philippe Vervier, est de nous diversifier rapidement pour aller vers d’autres problématiques environnementales, comme les éoliennes, les antennes-relais ou la biodiversité ».
Aussi le directeur de cette jeune société prévoit-il de recruter trois compétences d’ingénieur ou de chercheur dans l’environnement, la sociologie et l’économie, « capables d’être des relais du monde de la recherche ». A terme, Acceptables Avenirs vise le marché européen « au minimum », où elle agit déjà au sein de la Plateforme technologique de l’Eau coordonnée par la Commission européenne.