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Premiers essais chez le rat d’une neuro-prothèse pour réparer les lésions cérébrales

L’unité 825 de l’Inserm, le LAAS-CNRS et le CIRIMAT se sont associés pour développer un projet mêlant nanotechnologies et cellules souches, « Innov-in-Stroke ». Le concept ? Réparer des accidents cérébraux en régénérant des neurones sur un trajet neuronal interrompu, à l’aide d’une prothèse à greffer au niveau de la lésion du cerveau. Les première greffes chez le rat débutent fin mars.

L’accident vasculaire cérébral est la première cause de handicap de l’adulte et la troisième cause de mortalité en France. Environ 130 000 nouveaux patients sont touchés chaque année en France, avec une estimation de 400 000 patients actuellement atteints.

Les séquelles sont importantes ; en fin de séjour hospitalier, la proportion de personnes très dépendantes physiquement est de 42,3 % ! Chez les patients les plus gravement atteints, les médicaments et la rééducation ne permettent qu’une récupération limitée des capacités perdues.

Réparer efficacement les fibres nerveuses

Partant de ce constat, une équipe de recherche de l’unité Inserm U825 (1) s’est tournée en 2008 vers un projet de médecine « régénérative », intitulé « Innov-in-Stroke », dont les premiers essais chez le rat vont débuter dans les prochains jours. Il s’agit de réparer la voie cortico-spinale détruite, à l’aide d’une prothèse que l’on placerait dans le cerveau. Cette prothèse est revêtue de cellules souches se différenciant par la suite en neurones.

« On s’est aperçu que les cellules souches présentes dans le cerveau d’un patient atteint d’AVC se dirigeaient vers la lésion pour réparer la zone endommagée », raconte Isabelle Loubinoux, chercheuse à l’Inserm, qui dirige cette étude. Pour amplifier le phénomène, nous avons expérimenté dès 2008 des greffes de cellules souches. Le tissu s’est régénéré mais sans réelle structure. » D’où l’idée d’introduire une prothèse qui pourrait guider la croissance des cellules.

Polymères et nanotubes pour guider les cellules

C’est ici qu’entre en jeu le groupe Nanobiosystèmes du LAAS-CNRS menée par Christophe Vieu, qui travaille à la fabrication de cette prothèse en polymère – une tigette longue de cinq cm maximum dans le cas d’une lésion massive chez l’homme. Des cellules souches humaines seraient déposées dans des micro-sillons réalisés dans la prothèse, qui pourrait être recouverte de nanotubes de carbone.

C’est la voie explorée par le troisième laboratoire associé au projet, le CIRIMAT (2). « Des équipes ont déjà réussi à faire croître des neurones sur des nanotubes de carbone. Rappelons que les neurones échangent naturellement des signaux électriques. Or, les nanotubes sont conducteurs d’électricité. Ils pourraient ainsi stimuler la différentiation des cellules souches en neurones » explique Emmanuel Flahaut, chercheur au CIRIMAT

Quelle biocompatibilité ?

Quid de l’intégration de ces substances dans l’organisme humain ? En ce qui concerne la prothèse, les chercheurs privilégient un produit non-biodégradable, du silicone que l’on utilise par exemple pour les prothèses mammaires. « Le risque, c’est qu’il soit considéré à terme comme un corps étranger par le cerveau », souligne Isabelle Loubinoux.

Question également épineuse au sujet des nanotubes de carbone. « Pour l’instant, note Emmanuel Flahaut, les résultats sur les nanotubes que nous fabriquons au laboratoire ne montrent pas de signes de toxicité flagrants sur les cellules humaines. »

Tests risqués chez l’homme

L’équipe de l’Inserm, après une phase d’expérimentation in-vitro, va débuter les premières greffes de prothèse sur les rats fin mars 2010. « L’inconnue du projet ? Le passage à l’homme, dans cinq à huit ans, prévient Isabelle Loubinoux. L’homme réagira différemment, et nous ne pouvons pas contrôler tous les risques comme celui d’ajouter une maladie en injectant des cellules souches ! »

Il reste ainsi beaucoup d’incertitudes sur ce projet qui, s’il est mené à terme et avec succès, pourrait traiter les AVC mais aussi d’autres maladies neurologiques, comme la sclérose en plaque ou la maladie de Parkinson.

Agnès Baritou, pour KwantiK !

(1) Inserm-Université Paul-Sabatier

(2) Centre Interuniversitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux, CNRS-Université Paul-Sabatier -INP Toulouse