Dans l’imaginaire collectif, Ovnis et extraterrestres vont souvent de pair. Yvan Blanc, nouveau directeur du GEIPAN, explique la mission de ce petit service du CNES de Toulouse dédié depuis 1977 aux apparitions de « PAN » (phénomènes aérospatiaux non identifiés) sur tout le territoire français. Une mission parfois décriée par les sceptiques.
A quoi sert le Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés) ou GEIPAN ?
Nous enquêtons, compilons et publions les cas d’observation de phénomène aérospatiaux non identifiés. Autrement dit, ce qu’on appelle généralement les Objets Volants Non Identifiés (OVNI), ou les UFOs aux Etats-Unis.
Nous préférons employer le terme de phénomène aérospatial non identifié (PAN), parce que « l’objet » dans Ovni laisse penser que ce qui a été observé dans le ciel est un véritable objet physique, alors qu’il s’agit la plupart du temps de phénomènes lumineux,atmosphériques ou de confusion avec une planète une étoile… Ou même encore la Lune !
Chaque année, on a de 400 à 500 témoignages d’observation. En ce moment, il y a beaucoup de confusions liées au lâcher de lanternes thaïlandaises gonflées à l’air chaud, qui peuvent voler très haut, de manière erratique, ou à des ballons parfois en formes de soucoupes ! Notre travail est donc d’enquêter, d’essayer de reconstituer ce que le témoin a cru apercevoir, et de rendre ces informations publiques. Car contrairement à ce qu’on croit, nous n’avons rien de secret !
Comment enquêtez-vous sur les observations de PAN ?
Quand une personne est témoin d’un phénomène aérien inexpliqué, elle doit tout d’abord faire une déposition en gendarmerie. Ensuite, le procès-verbal nous est transmis, et si le cas est intéressant ou que nous avons besoin d’informations complémentaires, nous intervenons directement ou faisons appel à un réseau national d’enquêteurs privés, les Intervenants de Premier Niveau (IPN).
Ces personnes ne font pas partie du CNES, mais reçoivent une lettre de mission, qui leur donne accès au procès-verbal de gendarmerie, ou à certaines informations de l’enquête, comme les données radar de l’aviation civile. Les bénévoles peuvent également rencontrer le témoin pour lui faire préciser des points de détails de son observation.
Pour les cas les plus difficiles, nous intervenons directement avec le support d’un collège d’experts, des spécialistes et scientifiques de plusieurs disciplines comme l’astronomie, la physique de l’atmosphère, la sociologie, la psychologie ou l’analyse d’image.
Le GEIPAN est souvent critiqué sur le fait que les enquêteurs privés peuvent être membres d’associations « ufologiques », c’est-à-dire de passionnés d’Ovnis dont le témoignage peut être biaisé…
C’est vrai, nous travaillons avec des gens qui font partie d’associations ufologiques, car il y en a quand même de sérieuses ! Chacun peut devenir IPN, il n’y a pas d’exigence de niveau scientifique ou autre. Le problème, c’est que ce n’est pas facile de travailler avec Monsieur-tout-le-monde. Il y a eu quelques péripéties en début d’année, quand certains enquêteurs privés ont utilisé le nom du GEIPAN pour faire la promotion de leurs propres activités ufologiques.
Nous nous en sommes donc séparés, et actuellement il n’y a plus de recrutement d’IPN. Nous allons travailler pour l’instant avec la centaine de bénévoles que compte le réseau sur la France métropolitaine, et juger de leur travail pour savoir s’il faut continuer et élargir la collaboration ou s’arrêter là.
Pourquoi ne pas faire plutôt appel aux scientifiques ?
Encore aujourd’hui, le sujet des PAN est assez tabou dans le monde scientifique. Beaucoup de chercheurs trouvent qu’il n’y a pas de quoi faire de la science dans nos dossiers. Ceux qui se penchent sur la question, ils sont peu nombreux. Mais avec la découverte de plus en plus d’exoplanètes, certains commencent cependant à dire qu’il faut s’attendre à de l’inattendu ! Donc j’espère que les mentalités sont en train de changer.
Nous accueillerons ainsi l’année prochaine un chercheur en thèse de l’UFR de psychologie de Toulouse II, qui nous aidera à enrichir par exemple nos méthodes d’entretien avec les témoins pour en tirer plus d’informations et crédibiliser les témoignages. On a testé de nouvelles méthodes sur quinze témoins, et à chaque fois on a découvert des informations supplémentaires !
Où en est-on de l’hypothèse extraterrestre, qui a notamment été mise en avant par certains de vos prédécesseurs au GEIPAN ?
Il faut être prudent. Le CNES a été un peu échaudé par certaines déclarations considérant que certains cas de PAN prouvaient que les extraterrestres étaient bien là parmi nous. Du coup, le GEIPAN a un certain passif, sur lequel ses détracteurs se ruent systématiquement.
Pourtant, il y a visiblement des choses dans le ciel qu’on ne comprend pas, moi je dis : étudions-les ! Sur les 2.200 cas que nous avons compilés, les plus intéressants sont ceux qui restent inexpliqués même s’ils sont très bien documentés. Et ce n’est pas une petite proportion : 22% des cas, chiffre qu’il faut relativiser car très peu de ces cas présentent un degré d’étrangeté important. Mais pour l’instant, on n’a aucune preuve formelle de la visite d’extraterrestres sur la Terre.
Propos recueillis par Simon Castéran, pour Kwantik !