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Matthieu Sylvander : du stylet au stylo

Sismologue au laboratoire Dynamique terrestre et planétaire, Matthieu Sylvander dirige le Réseau de Surveillance Sismique des Pyrénées (RSSP). Mais ce chercheur cache sous les traits d’un éternel adolescent un auteur de livres pour la jeunesse publié à l’Ecole des Loisirs.

Dans sa vie professionnelle, Matthieu Sylvander, 41 ans, sismologue du laboratoire Dynamique terrestre et planétaire (1) de Toulouse, est un guetteur discret : il surveille en permanence la faible agitation tellurique qui anime le massif pyrénéen.

« Les Pyrénées sont la région de France où l’activité sismique est la plus forte, même s’ils sont très peu ressentis par la population, souligne Matthieu Sylvander. On ne dépasse que rarement la magnitude 5 sur l’échelle ouverte de Richter, et encore tous les dix ans ! Mais cela n’exclut pas qu’il existe un risque de séisme important à long terme ».

Aussi, chaque jour, à la tête du Réseau de Surveillance Sismique des Pyrénées (RSSP), il est un témoin distant du lent divorce de la plaque ibérique d’avec la plaque eurasienne, cause de ces tressaillements. Alors, bien sûr, « la sismologie, c’est moins romantique que la géologie, reconnaît le chercheur, on ne fait pas de grandes ballades dans les montagnes en s’émerveillant de la beauté du site ! ».

Pour la beauté et la poésie, Matthieu Sylvander a trouvé mieux que l’agitation frénétique des stylets du sismographe qui tracent sur le rouleau de papier les mouvements de la Terre. Toujours avec de l’encre et du papier, il est devenu… auteur de livres pour la jeunesse.

Trois livres publiés à l’Ecole des loisirs

Tout est parti d’une petite histoire qu’il avait dessinée au crayon pour sa fille. En secret, celle-ci l’emporta à l’école et la montra à sa maîtresse. Séduite par l’histoire, l’institutrice en fit des copies, qu’elle distribua à ses élèves. « Je ne m’y attendais absolument pas, raconte Matthieu Sylvander, et ce fut le point de départ de l’aventure ».

Avec sa sœur, une biochimiste devenue institutrice après un détour par la théologie et « qui a toujours eu un bon coup de crayon », le jeune sismologue écrit une première mouture de conte et le propose à des éditeurs à la fin 2004. Beaucoup de refus, mais l’Ecole des Loisirs, un poids lourd de la littérature enfantine, se montre intéressée.

Deux albums suivront : Les loups ne montent pas aux arbres (2005) et Moi, dit la taupe (2007). Un troisième en 2008, Tarte à tout, et en mai prochain paraîtra Vladimir Sergueievitch, la quête héroïque du mangeur de pommes… Une grande fierté pour Matthieu Sylvander, car l’ouvrage a été illustré par Anaïs Vaugelade, « une pointure de l’illustration jeunesse ». La raison de cette réussite ? « Selon mon éditrice, j’ai l’esprit d’un enfant de dix ans, s’amuse le chercheur. J’ai décidé que c’était un compliment ».

Un sismomètre dans son cartable

Ce qui explique peut-être qu’en dehors de ses activités, le sismologue aime autant intervenir dans les collèges et lycées de la région. Avec lui, il emporte toujours un lourd cylindre de métal, l’épicentre de son métier : un sismomètre. A son extrémité, un poids cerclé d’une bobine métallique émet un petit courant à chaque fois qu’une vibration tellurique l’anime. « L’instituteur passe toujours en premier, et quand il reçoit une petite décharge, tous les enfants veulent tester le sismomètre ! ». Le succès est garanti.

« J’aime le contact avec les plus jeunes parce que la Terre les intéresse, ils bouillonnent d’enthousiasme et posent plein de questions, souvent étonnantes et parfois très compliquées ». Quant à mettre un peu de science dans ses histoires, Matthieu Sylvander dit y songer depuis longtemps, sans oser sauter le pas. Rien ne presse. A croire qu’en littérature, finalement, il en va comme pour les tremblements de Terre, « on sait où cela va se passer, mais jamais quand ».

Simon Castéran, pour Kwantik !

(1) un laboratoire de l’Observatoire Midi-Pyrénées (CNRS-Université Paul-Sabatier)